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BIBLIOTHÈQUE
DE LA
FACULTÉ
DE
PHILOSOPHIE ET LETTRES
DE
l'Université de Liége


FASCICULE XXXVI
  ANECDOTA ATHENIENSIA  
TOME I
TEXTES GRECS INÉDITS RELATIFS
À L'HISTOIRE DES RELIGIONS


PAR
ARMAND DELATTE
DOCTEUR SPÉCIAL EN PHILOLOGIE CLASSIQUE
ANCIEN MEMBRE DE L'ÉCOLE FRANÇAISE D'ATHÈNES
PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE LIÉGE




1927

Imp. H. VAILLANT-CARMANNE
Société Anonyme
4, Place St-MICHEL, 4
LIÉGE
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ÉDOUARD CHAMPION
Libraire-Éditeur
5, QUAI MALAQUAIS, 5
PARIS





A

CHARLES MICHEL

CORRESPONDANT DE L'INSTITUT
PROFESSEUR ÉMÉRITE DE L'UNIVERSITÉ DE LIÉGE

ET

GUSTAVE FOUGÈRES

MEMBRE DE L'INSTITUTE
ANCIEN DIRECTEUR DE L'ÉCOLE FRANÇAISE D'ATHÈNES

HOMMAGE RECONNAISSANT






TABLE DES MATIÈRES

Manuscrits d'Athènes

Traité de Magie1
 Bibl. Nationale 1265
 Bibl. dela Soc. hist. 115
Divination par les nombres105
 Bibl. de la Soc. hist. 210
Recettes magiques111
 Bibl. de la Soc. hist. 210
Onomatomancie arithmétique133
 Bibl. de la Soc. hist 211
Recettes magiques136
 Bibl. de la Soc. hist. 241
 Bibl. de la Soc. hist. 188138
 Bibl. Nationale 1490140
 Bibl. Nationale 879
 Bibl. du Sénat 124141
 Bibl. Nationale 1506142
 Bibl. de la Soc. hist. 223144
Méthodes divinatoires diverses149
 Bibl. Nationale 1275
Divination cléromantique155
 Bibl. Nationale 1275
 Bibl. de la Soc. hist. 210
Onirocrite alphabétique165
 Bibl. Nationale 1275
Onirocrite lunaire182
 Bibl. Nationale 1275
Onirocrite de Blaise l'Athénien184
 Bibl. Nationale 1350
Onirocrite lunaire204
 Bibl. Nationale 1350
Omoplatoscopique206
 Bibl. Nationale 1493
Palmique209
 Bibl. Nationale 1493
Testament de Salomon211
 Bibl. Nationale 2011
Exorcismes228
 Bibl. Nationale 825
Évangile de l'Enfance, de Jacques264
 Bibl. Nationale 355
Apocalypse de la Vierge272
 Bibl. Nationale 356
 Bibl. Nationale 352280
Invention de la Croix289
 Bibl. Nationale 343
Fondation de Ste Sophie299
 Bibl. de la Soc. hist. 71
Sur les hérésies313
 Bibl. du Sénat 33
Chorographie ecclésiastique322
 Bibl. Nationale 74
Prophéties théosophiques324
 Bibl. Nationale 355
 Bibl. Nationale 1070328
 Bibl. Nationale 373330
 Bibl. Nationale 701331
Pamphlet contre Mahomet333
 Bibl. de la Soc. hist. 71
Physiologus358
 Bibl. Nationale 1008

Supplement : Manuscrits etrangers


Divination par les nombres388
 Harleianus 5596
Cléromancie astrologique392
 Harleianus 5596
Traité de magie de Salomon397
 Harleianus 5596
Recettes magiques445
 Parisinus 2419
Divination par les nombres451
 Parisinus 2419
Recettes magiques456
 Parisinus 2419
Traite de magie de Salomon470
 Parisinus 2419
Recettes magiques478
 Parisinus 2419
Traité onirocritique de Manuel Paléologue511
 Parisinus 2419
Onirocrite lunaire525
 Parisinus 2511
Onirocrite alphabétique527
 Parisinus 2511
Onirocrite lunaire546
 Parisinus 2315
Recettes magiques548
 Parisinus sup. 696
 Parisinus sup. 636549
 Parisinus 2316
 Parisinus 2894553
 Parisinus 1603554
Arithmomancie557
 Parisinus 2494
Physiologus562
 Parisinus sup. 223
Recettes magiques572
 Bononiensis Univ. 3632
 Neapolitanus II C 33613
 Floreniinus 86, 14625
 Floreniinus 28, 14627
 Mediolanensis H 2 inf631
 Vindobonensis phil. gr. 108634
 Vindobonensis phil. gr. 179639
 Mediolanensis E 37 sup640
Traité de magie de Salomon649
 Athous, Dion. mon. 282
Addenda et Corrigenda652
Table alphabétique657


[vii]

PRÉFACE

En 1912 et en 1913, en faisant des recherches dans les manuscrits grecs des Bibliothèques publiques d'Athènes, j'ai découvert et recueilli un certain nombre de textes inédits qui m'ont paru, malgré leur époque parfois assez récente, présenter quelque intérêt, soit pour l'histoire des conceptions religieuses, soit au point de vue de l'histoire des sciences.

J'ai publié récemment, dans la collection du Catalogus Codicum Astrologorum graecorum (t. X), dirigée par M. F. Cumont, une description et des extraits des manuscrits astrologiques. Aujourd'hui, dans ce premier volume d'Anecdota, j'ai réuni des textes qui attestent la survivance, jusque dans les temps modernes, des pratiques magiques et divinatoires de l'antiquité, ainsi que des opuscules qui représentent certaines tendances un peu aberrantes de la mys­tique chrétienne. Les textes que m'ont journis les manuscrits d'Athènes ont pu être, à temps encore heureusement, complétés par des extraits de manuscrits d'autres bibliothèques, que j'ai recueillis dans un supplément.

L'intérét que l'on témoigne de plus en plus de notre temps à l'étude des superstitions anciennes, — l'astrologie, l'alchimie, la divination, la magie, etc., — soit pour satisfaire le goût du folklore, soit en vue de poursuivre l'histoire des conceptions religieuses et philosophiques jusque dans leurs manifestations les moins élevées, me fait espérer que la publication de ces documents sera Men accueillie des érudits. Legrand, dans sa Bibliothèque grecque vulgaire, Vassiliev, dans ses Anecdota graeco-byzantina, Almazov, dans les Lietopis istoriko-philol. obchestva pri... novorossiiskom Universitetie, viz. otd., V, 1900, et VI, 1901, ont déjà publié un certain nombre de recettes magiques, d'incantations et de prières chrétiennes qui présentent les mêmes caractéristiques que nos textes. Reitzenstein, dans Poimandres, Pradel, dans les Griechische und [viii] Süditalienische Gebete (RGV, III, 3), ont montré tout le profit que l'on peut tirer de documents de ce genre, qui n'ont rien de fictif ni de littéraire, mais qui suent la vie du petit peuple, pour compléter noire connaissance de l'histoire religieuse des premiers siècles de notre ère. Il est saisissant d'observer comme les principaux éléments des pratiques qui sont décrites et des croyances dont elles sont l'expression remontent, par une tradition ininterrompue, tout comme les livres des Cyranides publiés par Ruelle, jusqu'à l'époque de la floraison de la magie et du syncrétisme religieux, dont les papyrus magiques et les tablettes d'imprécations nous présentent des aspects si curieux. « Celui, dit Reitzenstein (p. 303), qui entreprendrait de rassembler une grande quantité de textes de ce genre pourrait suivre les influences sur l'Orient et sur l'Occident, des formules magiques rapportées dans les papyrus, non seulement à travers un millénaire et demi, mais, avant tout, bien au delà du domaine de la magie proprement dite. »

Ce m'est un agréable devoir de remercier ici tous ceux qui se sont intéressés à mon travail et font facilité, en particulier les deux maîtres dont les noms figurent au frontispice de cet ouvrage: à l'un, qui jouit maintenant d'une heureuse retraite après une laborieuse et féconde carrière, je dois le goût de l'histoire religieuse et l'initiation aux méthodes qui permettent d'en faire une recherche scientifique; à l'autre, dont les conseils aussi m'ont toujours été précieux, quand je travaillais sous sa direction à l'Ecole française d'Athènes, j'ai dû, en outre, des loisirs grace auxquels fai pu achever mon dessein.

D'autres, dont je ne saurais assez louer l'obligeante courtoisie et le désintéressement, Sir Fr. Kenyan, Mgr Gramatica, MM. D. Bassi, R. Casey, C. Frati, J. Gilson, Kugéas, Lake, Pinard, E. Rostagno, O. Smital, m'ont fourni des photographies de manuscrits ou, tels M. A. Severijns et M. Kugéas encore, d'excellentes collations ou des observations qui m'ont été d'un grand secours pour l'établissement des textes. Enfin, on trouvera dans les Addenda les conjectures et les remarques intéressantes que la lec­ture de la. première partie du livre a suggérées à l'un des savants les plus compétents en la matière, M. Eitrem.




[1]

Traité de Magie.

Le codex 1265 de la Bibliothèque Nationale d'Athènes et le manuscrit no 115 de la Société Historique et Ethnographique d'Athènes contiennent des rédactions différentes et toutes deux incomplètes d'un ancien traité de magie en deux livres dont les recettes rappellent singulièrement, par les doctrines et par la forme, celles des papyrus magiques.

* *
*

A. Le manuscrit no 1265 de la Bibl. Nal. est un chartaceus mesurant 0.206 X 0.150, dont la plus grande partie a été écrite à la fin du XVIe ou au début du XVIIe siècle. Il compte 61 folios, écrits par plusieurs mains et portant trois paginations d'époques différentes. La plus ancienne, qui est à moitié effacée, s'arrête au f. 39V, lequel porte le chiffre 118: c'est précisément à cet endroit que s'arrêtent aussi les textes écrits par la première main; une seconde pagination s'étend jusqu'au f. 55V, qui porte le no 178. Comme le f. 2r porte le chiffre 13, on peut en conclure que les cinq premiers folios ont disparu. Du 6e, du 7e et du 8e, il ne reste que des fragments: en outre, les lacunes de cette pagination montreut qu'un grand nombre de pages ont été arrachées. A partir du f. 56r (= p. 180), la pagination se trouve indiquée à l’envers, au bas des pages, et l'ordre des feuillets a été dérangé par le relieur.

La première écriture est fine et régulière; l’accentualion et la ponctuation sont généralement indiquées avec soin et exactitude. Les titres des chapitres et des paragraphes sont, la plupart du temps, écrits à l'encre rouge. Les mots magiques sont surmontés d'un trait horizontal comme dans les papyrus magiques. Les ff. 34. 35, 40 à 60 contiennent des notes magiques, astrologiques et médicales, écrites par des mains plus récentes.
[2]

B. Le Codex 115 de la Société Historique est un manuscrit de papier de 42 folios, mesurant 0.320 X 0.160, écrit tout entier de la même main, au début du XVIIIe siècle, à ce qu'il me semble. Quelques formes d'abréviations subsistent, pour kai, ke, az, an, hn, nz. Le texte fourmille de fautes d'orthographe. L'accentuation manque dans la première partie; dans la seconde, elle est très grossière et le plus souvent inexacte. La ponetuation qui n'existe pas, pour ainsi dire, dans la première partie, est très irrégulière dans la seconde. La fin d'un chapitre ou d'un paragraphe est indiquée par une ligne de points terminée par un triangle ou un carre de points. Les titres des chapitres, certaines invocations, les mots, les dessins et les signes magiques sont écrits à l'encre rouge. Les mots magiques sont quelquefois surmontés d'un trait hori­zontal, comme dans le manuscrit précédent.

Il y a deux paginations, toutes deux modernes et indiquées au crayon au-dessus des pages. Mais, au bas de certains fo­lios (1 et 2, 9, 25 et 26, 33, 41), le copiste a indique les numéros des cahiers. Les ff. 1 et 2 portent le chiffre 3, ce qui in­dique que les deux premiers cahiers, soit 16 ff., sont perdus; il subsiste, d'ailleurs, des vestiges de cinq feuilles. L'indication du 5e cahier a été omise. Du huitième et dernier, il ne reste que deux folios; le texte est d'ailleurs incomplet. Entre les ff. 21 et 22, on aperçoit des vestiges d'une page arrachée: elle a été enlevée par le copiste lui-même, comme en témoignent les chiffres des cahiers.

Le manuscrit est en mauvais état: les feuillets sont salis et coupés, dans le sens de la largeur, par une profonde déchirure. On trouve ça et là des taches de cire : elles proviennent sans doute des cierges à la lumière desquels le sorcier accomplissait les cérémonies magiques en lisant le livre qui lui servait de guide.

* *
*

Le traité de magie dont nos manuscrits nous offrent des rédactions assez différentes était divisé en deux livres au moins. A, f. 16: teloV tou prwtou bibliou. F. 16v: bandeau de rinceaux; biblion B' . peri thV tecnhV tou tzerkoulou hgoun kuklou na erwtishV pneumata. — B, f. 16v: bhblhwn deuteron [3] b' peri thV tecnhV tou tzerkoulou hgoun khklou na idhV na erotsis pneumata. — Le titre du premier livre manque, car les premiers folios sont perdus; mais on peut conjecturer, d'après la nature des chapitres que nous avons conservés, que la plus grande partie de ce livre était consacrée à la magie astrologique.

Voici un bref relevé des notices et des recettes de cette nature qui se trouvent dans les deux manuscrits; je prends pour base le texte de A, qui est le plus complet.

  1. (f. 1r). Jours fastes et néfastes de l'année: texte lacuneux et incomplet. Manque dans B.

  2. (Ibid.). Domiciles des Planètes: texte incomplet. Man­que dans B.

  3. (f. 1v). Méthode pour trouver dans quel signe du Zodiaque le Soleil se trouve en n'importe quel jour de l'année. Manque dans B.

  4. Tableau (fragmentaire) indiquant les qualites des Si­gnes du Zodiaque, ainsi que le rapport de chacun d'eux avec les Planètes et les éléments. Manque dans B.

  5. (ff. 2r-2v). Vertus des Signes du Zodiaque. Tradition différente dans B (f. 2r).

  6. (ff. 3r-3v). Liste des heures et des jours consacrés aux Planètes avec l'indication des actions magiques et des entreprises profanes auxquelles ils sont favorables. Manque dans B.

  7. (ff. 4r-4v). Methode pour chercher à quelle Planete chaque jour de l'année est consacré. Manque dans B.

  8. (f. 4v). Signification des mouvements qui se produisent dans la tête et la queue du Dragon, en correlation avec la régence de Saturne. — B, f. 3r.

  9. (ff. 4v-5r). Présages tirés des quatre mouvements observés dans la forme du Dragon le 13 mars. — B, f. 3r.

  10. (ff. 5r-6v). Sélénodromion: indication des rites magi­ques et des entreprises à exécuter ou à éviter en chaque jour de la Lune. — Traditions différentes dans B, ff. 1r et 2v.

  11. (ff. 6v-8r). Recette pour la fabrication des statuettes des Planètes. — B, ff. 3v-4v.

  12. (ff. 8r-9v). Invocations aux Planètes, à réciter lors de la fabrication des statuettes. — B (nos 1, 4, 6), ff. 6v-8v. [4]

  13. (f. 9v). Conjuration des anges planétaires. — B, ff. 5r-6v, qui ajoute une liste des anges et des démons de chaque jour de la semaine.

  14. (ff. 9v-10v). Les parfums, les signes et les sceaux des Planètes. — B, ff. 9r-10r.

  15. (ff. 10v-11v). Nouvelle série de quatre invocations aux Planètes, à réciter lorsqu'on brûle les parfums. — B (nos 2, 3, 5, 1), ff. 6v-8v.

  16. (ff. 12r-13r). Alphabets secrets dont on doit se servir pour écrire les requêtes adressées aux anges planétaires. — B, ff. 15r-16v.

  17. (ff. 13r-13v). Instructions relatives à la nature des encres, des «caractères» magiques et des parfums propres aux Planètes. — B, ff. 10r-12r, qui ajoute des recettes d'encres spéciales.

  18. (f. 13v). Chapitre (fragmentaire) sur 1'opportunité des voyages réglée par la position de la Lune dans les divers Signes du Zodiaque. Manque dans B.

J'ai publié les chapitres portant les nos 6, 7, 8, 10, 11, 13, 14, 16, 17, 18 dans le Catalogus Codicum astrologorum graecorum, t. X (Codices Athenienses) (1). Les nos 12 et 15 étaient déjà connus par des extraits de manuscrits de Munich et de Paris publiés par Heeg dans le Catalogus, VIII, 2, pp. 154 ss. et 172 ss.; on y trouvera encore, p. 158, une variante du chapitre. 17. Le chapitre 9 a été publié par Boudreaux dans le Catalogus, VIII, 3, p. 197 ss.

(1) Bruxelles, Lamertin, 1924. On y trouvera aussi, pp. 9-23 et pp. 40-45, un relevé complet des notices et des lacunes des mss.

A la suite du chapitre sur 1'opportunité des voyages, le co­dex A présente six recettes magiques qui n'ont rien de commun avec l'astrologie. Ces recettes devaient être primitivement bien plus nombreuses, puisque le manuscrit a perdu en cet endroit neuf folios. Le ms. B ne nous offre à la place correspondante aucun texte parallèle. Mais, dans tous les deux, le premier livre se termine par une serie de recettes qui décrivent la fabrication des accessoires indispensables à l'exercice de l'art de la magie. Nous y apprenons tous les secrets de la fabrication rituelle du couteau de l'«art», de la [5] plume de l' «art», du parchemin «qui n'est pas venu au monde», du parchemin «vierge », de 1'encre sanglante de l'«art», des statuettes de cire, des statuettes d'argile et de l'anneau de l'«art». (B ne donne cette derniere recette qu'au deuxième livre).

Pour le deuxième livre, le ms. B nous presente une tradi­tion beaucoup plus complète que le ms. A, qui a été gravement mutilé. Ce livre est consacré presque exclusivement à décrire des recettes d'évocation des démons. On peut distinguer, parmi celles-ci, deux groupes de formules. Les pre­mières sont destinées à faire apparaître les démons au magicien lui-même, qui les conjure de lui accorder telle ou telle gràce. La première recette, qui est la plus longue, est appelée «l'art du cercle». L'auteur commence par decrire avec une grande précision tous les préparatifs qui précèdent l'action: le choix du moment et du lieu, les abstinences, l'habillement du sorcier et de l'acolyte, la composition du phylactère, le dessin du «cercle de l'art», la fabrication de la clochette, les invocations et les exorcismes. Après avoir annoncé l'arrivée des démons, il donne le texte de deux conjurations relatives à la conquête des faveurs d'un homme puissant et à la découverte d'un trésor.

La seconde recette décrit le même «art du cercle» d'après un autre auteur. Elle présente certaines concordances avec la précédente, mais elle en diffère surtout en ce qu'elles raporte des exorcismes des quatre points cardinaux, une «grande conjuration» et une formule de congé des démons, Le codex B contient encore trois recettes du meme genre, mais d'un appareil beaucoup plus simple, tandis que le ms. A n'en présente qu'une formule, d'ailleurs incomplète (f. 23v).

Le second groupe est formé de recettes de divination analo­gues aux rites de lécanomantie ou d'hydromantie que nous connaissons par des notices anciennes et par quelques for­mules des papyrus magiques. Certaines d'entre elles sont d'ailleurs intitulées: lécanomantie, pibactoromantie, gastéromantie. Un enfant, qui sert de médium, après avoir été hypnotisé par des paroles magiques et par tout l'appareil impressionnant des préparatifs, voit apparaitre des démons dans un vase rempli d'eau. Le magicien les interroge ou les [6] fait interroger par l'enfant sur le sort d'un malade ou d'un homme qui voyage à l'étranger, la cachette d'un trésor, le nom d'un voleur, les événements de l'avenir, etc. Puis il procède a leur renvoi.

Le ms. B ne contient pas moins de dix recettes de ce genre, qui présentent de grandes divergences, soit dans les préparatifs, soit dans les rites, soit dans les formules de con­juration, mais qui ont toutes certains traits communs. Le ms. A, défiguré par des lacunes, n'en fournit que quatre de première main, et encore sont-elles fragmentaires. Le ms. B contient en outre une recette pour faire apparaître les dé­mons sur les ongles du médium (onychomantie) et une formule de nécromancie, malheureusement incomplète.

Entin, le ms. A nous a conservé encore, dans les deux livres, un nombre considérable de recettes magiques analo­gues à celles que nous ont révélées les papyrus magiques. Il est possible que toutes celles qui sont écrites de première main fassent partie du fonds originel et aient figuré dans l'archétype dont dérivent les deux manuscrits. Dans le pre­mier livre, le ms. A en présente six, après une lacune de neuf feuillets; le second livre en contient soixante-dix, malgré des lacunes de six feuillets. Le plus grand nombre sont relatives au succès dans les amours ou dans les affaires; d'autres décrivent des rites d'ordalie, de divination par les songes, de katadesmoV de divers types. Enfin le même manuscrit nous présente encore une liste des démons et des anges qui gouvernent les lieures des sept jours de la semaine.

Parmi les notices ajoutées au premier fonds, dans le ms. A, par un grand nombre de mains différentes, les unes sont de nature astrologique: elles ont été décrites et en partie publiées dans le Catalogus, tome X. Les autres sont des recettes magiques du type de celles qui ont été copiées par la première main. A côté d'une lécanomantie, on y trouve des formules se rapportant aux sujets les plus divers: l'amour, le succès dans les affaires, la découverte d'un trésor, la defixio de la langue médisante, l'aiguillette, les exorcismes de mauvais démons, les phylactères contre les maladies, etc. J'ai cru pouvoir distinguer, dans ces notes, huit types d'écriture; mais, comme quelques-unes présentent des traits de [7] parenté, il est possible que certaines recettes que j'ai attribuées à des mains différentes, proviennent en réalité d'un même copiste qui les aurait écrites à diverses époques. m2 paraît dater encore du XVIIe siècle ; les autres proviennent du XVIIIe et même, je crois, du XIXe siècle. Elles sont bourrées de fautes d'orthographe et de formes dialectales et trahissent des défauts de prononciation qui altèrent terriblement les mots et rendent la lecture des textes tres difficile, quelquefois m^ecirc;me incertaine. En outre, très souvent l'accentuation manque ou est tout a fait défectueuse.

*
* *

Par le contenu du premier livre, nos manuscrits magiques sont apparentés à un codex de Munich, déjà signalé par Politis, dont le texte a été publié par Heeg dans le Catalogus, VIII, 2. On trouve, en effet, dans celui-ci, comme je l'ai indique plus haut, un certain nombre de chapitres analogues à ceux des manuscrits d'Athènes: une liste des heures con­sacrées aux Planètes, les invocations aux Planetes, l'invocation aux anges, les signes ou caractères des Planètes, les noms des anges et des démons des heures de chaque jour. Le manuscrit de Munich contient, en outre, deux traités relatifs aux plantes consacrées aux Signes du Zodiaque et aux plantes des sept Planètes, qui n'existent dans nos manuscrits d'Athènes, mais qui ont pu y figurer autrefois et qui trouvent d'ailleurs des équivalents dans un certain nombre de manuscrits astrologiques.

Un manuscrit de Turin, qui a péri dans unincendie (Cata­logus, IV, p. 15, et VIII, 2, p. 139), présentait aussi des chapi­tres qui, à en juger par leur titre, rappelaient beaucoup la matière du premier livre des manuscrits d'Athènes et le con­tenu du manuscrit de Munich. On y trouvait, en effet:

1o) un tableau des heures consacrées aux Planètes (cf. A et B, no 6);
2o) des invocations au Notus et aux vents du Midi;
3o) un tableau des jours de la Lune (cf. A et B, no 10).
4o) un chapitre sur le passage de la Lune dans les Signes du Zodiaque et sur les influences ainsi produites (cf. B, no 5);
5o) une dodécaétéride. [8]

Ces deux manuscrits de Munich et de Turin ont ceci de commun qu'ils rapportent ces doctrines astrologiques à un ouvrage de Salomon qui affectait la forme d'une lettre à son fils, Jéroboam ou Roboam. Ce mémoire secret était destiné à lui révéler les «principes de l'art» et le ms. de Munich précise que par cet art, il faut entendre celui de l'Hygromantie. Cependant, aucun de ces manuscrits ne présente une seule notice qui justifie un tel titre. Mais nos manuscrits d'Athènes, bien que, par suite de la chute des premiers feuillets, le titre du traité en deux livres ait disparu, paraissent avoir conservé une tradition différente et plus complète du même ouvrage dont les manuscrits de Munich et de Turin n'ont plus que des fragments. En effet, d'une part, l'Hygromantie annoncée par le titre et qui fait défaut dans ces derniers manuscrits, nous est conservée dans les nôtres, puisque le second livre lui est, pour une bonne part, consacré. D'autre part, quoique le nom de Salomon ne figure pas dans le titre de ce livre, il se trouve souvent cité dans le texte: le phylactère décrit dans la principale recette d'évocation de démons, l'«art du cercle», est appelé Ourania tou SolomwntoV; la troisième et la quatrième recettes de lécanomantie sont attribuées à Salomon et la septième contient une prière magique appelée «Clef de Salomon». Il faut noter aussi que l'auteur s'adresse constamment à un novice qui désire être initié, tout comme Salomon le fait dans sa lettre à son fils.

Les manuscrits d'Athènes nous présentent done une tra­dition remaniée, mais beaucoup plus complète, du traité de magie qui n'était connu jusqu'ici que par quelques extraits, d'ailleurs purement astrologiques, du codex de Munich.

*
* *



C'est à Politis (2) que revient le merite d'avoir le premier at­tiré l'attention sur ces manuscrits magiques et d'avoir montré qu'ils se rattachent par un grand nombre de traits a la tra­dition des traités de magie de l'Antiquité, dont les papyrus nous ont conserve des fragments. Il a observé que les auteurs [9] des recettes de nos manuscrits attachent, comme les sorciers des papyrus, une grande importance au choix de la matière qui doit recevoir le texte des incantations et à la composi­tion des encres spéciales employées pour les diverses sortes d'inscriptions et il a relevé soigneusement, dans les manuscrits d'Athènes, toutes les indications de ce genre.

(2) Byzantinische Zeitschrift, I (1892), pp. 555-571.

Mais il y a bien d'autres concordances, et d'un caractère plus fondamental, entre les conceptions et les usages de la magie antique et ceux du traité conservé dans nos manuscrits. Cet ouvrage constitue une mine inépuisable de renseignements sur les procédés de lécanomantie et d'évocation des esprits, sur les formes anciennes de l'hypnotisme, sur les rites d'envoûtement, d'ordalie, de divination, sur l'emploi de la ma­gie sympathique, l'usage des alphabets secrets, des «sceaux» et des «caractères» magiques, sur la conception de la pureté rituelle, la valeur magique des métaux, des plantes, des animaux, des objets, des gestes, des paroles, sur la démonologie, etc. Nous nous réservons de revenir ailleurs sur ce sujet.



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